Après plusieurs mois de tests approfondis, le prochain hard fork d’Ethereum est sur le point d’être lancé. Le hard fork Pectra est prévu pour le 7 mai sur le mainnet. Les développeurs et les penseurs du réseau commencent déjà à réfléchir à l’avenir post-Pectra. Vitalik Buterin, en particulier, se penche sur l’avenir d’Ethereum à travers une nouvelle feuille de route axée sur la protection de la vie privée, la scalabilité et l’amélioration de l’expérience utilisateur. Explorons ensemble les évolutions à venir sur le réseau.
Ethereum : Une nouvelle feuille de route pour la protection de la vie privée
En début de semaine, Vitalik Buterin a de nouveau souligné l’importance de la vie privée. Dans un article publié sur son blog personnel, il a évoqué le rôle crucial de la vie privée pour la liberté et la préservation des systèmes démocratiques. Il considère que des outils issus de la crypto, comme les preuves à divulgation nulle de connaissance (zero-knowledge proofs), pourraient améliorer la protection de la vie privée.
Actuellement, Buterin souhaite appliquer cette vision au layer-1 d’Ethereum. Le 11 avril, il a publié une nouvelle feuille de route pour renforcer la protection de la vie privée de manière native sur Ethereum. Cette approche, comme à son habitude, vise à affecter le moins possible le fonctionnement d’Ethereum tout en adoptant une stratégie minimaliste.
« Il s’agit de mes réflexions actuelles sur la façon dont nous pouvons concrètement améliorer la vie privée des utilisateurs d’Ethereum avec très peu de changements dans le consensus d’Ethereum. »
Cette nouvelle feuille de route se décline en quatre grands axes de développement :
- Confidentialité des paiements on-chain ;
- Anonymisation partielle de l’activité on-chain dans les applications ;
- Confidentialité des lectures de la chaîne, c’est-à -dire des appels RPC ;
- Anonymisation au niveau du réseau.
Confidentialité des paiements on-chain
Dans un premier temps, Buterin souhaite améliorer la confidentialité des transactions on-chain, s’appuyant sur les leçons tirées des difficultés rencontrées par des protocoles tels que Tornado Cash.
Il propose plusieurs pistes, dont l’intégration d’outils de confidentialité existants dans les portefeuilles. Parmi eux, les Privacy Pools de 0xBow, qui permettent d’anonymiser les transactions tout en générant une preuve cryptographique pour attester que les fonds ne proviennent pas d’activités illégales. Cela pourrait donc servir de solution à l’un des principaux problèmes de Tornado Cash.
Cette intégration pourrait se faire sous la forme d’un solde protégé ainsi qu’une option « envoyer depuis le solde protégé » par défaut. Ainsi, toutes les transactions passeraient nativement par Privacy Pool ou Railgun, un autre protocole axé sur la confidentialité.
Ensuite, il souhaite mettre en œuvre des technologies telles que FOCIL et l’EIP-7701 pour permettre aux protocoles de confidentialité de fonctionner sans risquer la censure, une réponse à la situation de fin 2022, où une majorité de validateurs censuraient les transactions de Tornado Cash à cause des sanctions imposées par l’OFAC.
FOCIL est un mécanisme conçu pour renforcer la résistance à la censure d’Ethereum, en s’appuyant sur un comité de validateurs qui propose des listes de transactions à inclure dans les blocs, garantissant que aucune entité unique ne peut les exclure arbitrairement.
L’ EIP-7701 améliore la confidentialité des paiements on-chain en permettant une abstraction native des comptes, facilitant ainsi l’intégration de protocoles de confidentialité comme Railgun ou Privacy Pools.
Enfin, il propose la mise en place de l’agrégation de preuves pour réduire les coûts des transactions privées. Actuellement, la vérification des preuves on-chain peut être gourmande en ressources. L’agrégation de plusieurs preuves réduira ces coûts et permettra une utilisation plus large des preuves sur le layer 1.
Anonymisation partielle de l’activité on-chain dans les applications
Le deuxième axe de cette roadmap concerne l’anonymisation partielle de l’activité on-chain au sein des applications décentralisées.
Pour cela, il propose l’adoption de l’approche « une adresse par application », visant à supprimer les liens publics entre les activités sur différentes dApps. Une nouvelle fois, cela requiert une intégration native par les portefeuilles.
Il est essentiel que les transactions « send-to-self » soient privées par défaut, permettant à votre adresse principale d’envoyer des fonds vers vos adresses applicatives de manière confidentielle.
Enfin, il préconise la démocratisation des portefeuilles à clés préservant la confidentialité (ou privacy-preserving keystore wallets) dissociant la gestion des clés des activités on-chain. Cela permet de modifier les clés ou les règles de vérification sans exposer de liens entre les actions sur différentes couches (L1, L2).
Confidentialité des lectures de la chaîne (appels RPC)
Les nœuds RPC (Remote Procedure Call) sont essentiels au fonctionnement des logiciels de portefeuille, servant d’intermédiaires entre votre wallet et la blockchain. Lors d’une transaction, celle-ci est envoyée à un RPC qui la propage sur le réseau pour validation.
Toutefois, les RPC peuvent enregistrer des informations privées, soulevant des préoccupations de confidentialité. Fin 2022, Metamask a été critiqué pour stocker les adresses IP des utilisateurs de son RPC. Suite à cela, le portefeuille a permis le changement de RPC et a promis de supprimer les données tous les 7 jours.
Pour remédier à ce problème, Buterin envisage d’utiliser des TEE (Trusted Execution Environment) comme solution temporaire. Ces zones sécurisées au sein des processeurs, tel qu’Intégra SGX, peuvent effectuer du code de manière sécurisée, protégeant ainsi les métadonnées sensibles lors des interactions avec les nœuds RPC.
Il recommande aussi aux portefeuilles de se connecter à plusieurs nœuds RPC, idéalement à travers un mixnet, permettant d’utiliser un nœud différent par application décentralisée et réduisant les fuites de métadonnées.
Ces améliorations touchant à la vie privée permettraient à Ethereum d’atteindre un niveau de confidentialité où la majorité des transactions sont privées par défaut, rendant la visibilité entre applications cryptographiquement séparée. Ainsi, la vie privée serait protégée contre l’observation passive sur la chaîne et des opérateurs RPC malveillants.
Scalabilité : vers une augmentation de la gas limit
Alors que les solutions de layer 2 contribuent à améliorer la scalabilité d’Ethereum à moyen terme, il faut également renforcer celle du layer 1.
Vitalik Buterin a récemment exprimé sa volonté d’augmenter la gas limit des blocs, après une augmentation de 30 à 36 millions d’unités en février dernier. La gas limit représente le nombre maximum d’unités de gas qui peuvent être contenues dans un bloc, et son augmentation permettrait d’augmenter le volume de transactions par bloc.
Buterin a indiqué que plusieurs évolutions en développement pourraient faire passer cette limite à 300 millions, soit près de 10 fois le seuil actuel, en utilisant diverses méthodes :
« La communauté de recherche Ethereum (ER) se concentre principalement sur : l’exécution différée, les listes d’accès au niveau des blocs, l’EIP-4444 et les modifications des prix du gaz. Ces évolutions combinées permettraient d’atteindre la limite de gaz de 300 millions (et non 100 millions). »
Amélioration de l’expérience utilisateur
Par ailleurs, l’expérience utilisateur nécessite également des améliorations. Des initiatives telles que l’ERC-7683 cherchent à établir un standard pour améliorer l’interopérabilité entre layers 2, minimisant ainsi les blocages lors des transferts entre ces couches.
L’EIP 7702 cherche à simplifier les transactions en deux étapes. Pour réaliser un swap, les utilisateurs doivent d’abord signer une transaction pour approuver la dépense, suivie d’une autre pour effectuer le swap. Cet EIP vise à unifier ces deux actions en une seule, mais son adoption dépendra du soutien des différents logiciels de portefeuille.
Enfin, l’Account Abstraction, un sujet de prédilection pour Buterin, sera également central dans ces développements, facilitant ainsi l’expérience utilisateur en éliminant les phrases de seed et en simplifiant la gestion des clés.
Cela pourrait également offrir plus de flexibilité en matière de frais de transaction, permettant par exemple de payer ces frais en d’autres tokens que l’ETH.
Bien que nous n’ayons pas de calendrier précis pour ces évolutions, elles devraient être mises en œuvre dans les mois ou années à venir. Quoi qu’il en soit, la prochaine étape pour Ethereum sera le hard fork Prague Electra (Pectra), prévu pour le 7 mai prochain.