La zone CEMAC vient de se doter d’un nouveau socle juridique pour encadrer le fonctionnement du marché financier. Le texte qui a été rendu public la semaine dernière.
Les cryptomonnaies n’ont pas encore le statut juridique de monnaie dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (#Cemac). Mais dans le nouveau règlement régissant le marché financier commun au pays de la sous-région (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad), entré en vigueur le 1er août 2022, les notations d’« actifs numériques » et de « jetons numériques » sont apparues.
« Constitue un jeton, tout bien incorporel (c’est-à-dire immatériel, NDLR) représentant, sous la forme numérique, un ou plusieurs droits émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien », explique l’article 76 de ce règlement, adopté le 21 juillet dernier par le Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) et rendu public le 14 septembre. Selon des acteurs du marché financier, associés à la rédaction de ce texte, ce concept intègre les cryptomonnaies, mais aussi les jeux vidéo, les photographies ou des logiciels.
En plus, « les prestations de services sur actifs numériques » font désormais partie des activités admises sur le marché financier de la Cemac. Il s’agit, selon l’article 160, du « fait de proposer un ou plusieurs des services ou opérations ci-après : conservation d’activités numériques pour le compte d’un tiers ; achat d’actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal ou contre d’autres actifs numériques ; exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques ; autres services sur actifs numériques tels que la réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers, la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, le conseil, le placement ».
Processus inachevé
Pour exercer dans ce segment, il faut obtenir un agrément de la Commission de surveillance du marché financier (#Cosumaf) au titre de « prestataire de services sur actifs numériques », indique article 144. Les « prestataires de services sur actifs numériques » deviennent donc des intermédiaires du marché financier de la Cemac, au même titre que les sociétés de bourse, les établissements de crédit, les sociétés de gestion, les conseillers en investissements financiers et les conseillers en financement participatif (crowdfunding).
De ce fait, ils sont tenus de respecter le règlement du 21 juillet et d’autres textes en attente d’adoption comme le règlement général et ses instructions. « La #Cosumaf définit, dans son règlement général et ses instructions, des dispositions spécifiques pour le placement des jetons », indique l’article 76. Il est également attendu du règlement général, des précisions sur les conditions et les modalités de fournitures des services sur les actifs numériques, selon l’article 160.
« Nous avons observé que la Cosumaf s’est beaucoup inspirée de l’AMF (l’autorité des marchés financiers français). Nous souhaitons qu’elle le fasse également pour la définition des dispositions spécifiques pour le placement des jetons, des conditions et modalités de fournitures des services sur actifs numériques », commente un responsable d’une société de gestion basée à Douala.
Ce nouveau cadre réglementaire entre en vigueur au moment où le sujet fait des émules dans la région avec l’adoption par la république centrafricaine du #Bitcoin et du Sango coin comme monnaies ayant cours légale aux côté du franc CFA. Un projet pour lequel la commission bancaire d’Afrique centrale ( #COBAC) avait marqué sa désapprobation en interdisant, début mai 2022, aux banques et aux autres établissements de crédit de souscrire ou de détenir, d’échanger ou de convertir pour leur propre compte ou pour le compte des tiers, les cryptomonnaies ou monnaies virtuelles de quelques nature que ce soit.
Il sera donc intéressant de voir comment les deux régulateurs s’ajusteront sur cette épineuse question. Si la COBAC voit en la cryptomonnaie une monnaie concurrente au franc CFA, la COSUMAF considéré les offres de placement et d’investissement en lien avec les cryptomonnaies comme des opérations relevant de l’appel public à l’épargne, ce qui révèle de fait de sa compétence.